Cette enluminure représentant L’Adoration des Mages est tirée des Heures de Jeanne d’Evreux. Ce livre est réalisé entre 1325 et 1328 à la demande de Charles IV, roi de France pour son épouse la reine Jeanne d’Evreux. Ce livre est un ouvrage de prière pour les laïcs.
Sa petite taille 90mm X 60mm représente un défit majeur quand à la réalisation de ses illustrations par le peintre : Jean Pucelle est un des grands peintres de l’époque. Jean Pucelle a marqué son époque en introduisant le concept d’espace à trois dimensions en France. La commande royale des Heures montre la haute considération dont bénéficiait son art.
L’expérience italienne de Pucelle apporte les principales caractéristiques de son art : une liberté exceptionnelle, un affranchissement des contraintes spatiales et une technique utilisant le dessin et la grisaille. On relève également un dynamisme des figures, le raffinement des formes et des coloris.
Les Heures de Jeanne d’Evreux sont actuellement au Metropolitan Museum of art de New York.
L’enluminure est composée de deux parties. Les deux tiers de l’image représentent la scène de l’adoration des Mages dans un cadre. La partie inférieure de l’image représente le massacre des innocents par le roi Hérode. Entre les deux scènes quelques lignes de texte avec une lettre historiée.
Les deux scènes représentées ici sont deux événement qui se déroulent au même moment l’un entraînant l’autre ou plutôt la nativité du Christ entraînant les massacres des innocents par Hérode.
La scène de L’Adoration des Mages s’inscrit dans un cadre surmonté de sur les cotés de pinacle (ornement de forme conique ou pyramidale) et pinople (espèce pin).
A gauche de l’image le mage Melchior est agenouillé au côté de la Vierge et de l’Enfant Jésus. Derrière lui se tiennent les deux autres mages. Melchior tient à la main droite une couronne et à la main gauche de l’or. Jésus sur les genoux de sa mère prend l‘offrande. Marie qui est assise sur un coffre est nimbé comme son fils. Gaspard est à gauche porte l’encens et Balthasar avec la barbe pointe le ciel de la main gauche et porte la myrrhe à la main droite.
Au-dessus des rois mages se tiennent des musiciens à l’allure à la dimension de petits anges.
En ce qui concerne l’iconographie, Jean Pucelle a sut réunir ses origines artistiques et les innovations italiennes. Jean pucelle reprend une iconographie admise depuis la fin du XIIème siècle. Celle-ci s’oppose à l’art paléochrétien dernier art antique qui représentait les concepts chrétiens et l’art carolingien qui était située à la croisée des influences antique, barbare et byzantine.
Dans les premiers temps du Moyen Age les mages sont représentés les uns derrières les autres avec les offrandes. C’est l’auteur chrétien Tertullien (environ 160-230) qui le premier fit des mages des rois. A la base les mages sont des astrologues de la cour de Perse et des prêtres du culte de Mithra. Dans les peintures murales des catacombes romaines et sur certaine mosaïque byzantines, les mages portent parfois la robe mithriaque et le bonnet phrygien. Ici les mages sont représentés formant un groupe. Ils portent une couronne sur la tête qui est signe du pouvoir royal. Ils sont vêtus de longs manteaux, comme ceux que portent les prêtres, les notables et les doctes de l’époque, par décence. Ils ont un faciès européen. A la fin du Moyen Age se mettra une iconographie symbolique où chacun des mages adoptera un faciès différent, Melchior celui d’un asiatique, Balthasar celui d’un africain et Gaspard gardera son visage européen ; ainsi ils représenterons les trois parties du monde connu rendant hommage au Christ. Chaque mage porte un présent pour le Christ, chacun d’eux ayant une symbolique forte. Melchior porte de l’or symbole de la souveraineté du Christ, Balthasar porte l’encens qui est un hommage à la divinité et gaspard la myrrhe qui est utilisée pour l’embaumement et qui ici annonce la mort du Christ. Melchior en plus d’offrir de l’or au Christ, a retiré sa couronne qui est un signe d’allégeance.
La Vierge et le Christ sont coiffés d’un nimbe signe de divinité. La Vierge porte également une couronne, image de dévotion, sans fonction narrative ; la Vierge symbolise l’Eglise. Particularité de la scène, le Christ est représenté nu, ce qui fait l’originalité de Jean Pucelle.
Au-dessus du groupe se trouvent des musiciens. Les instruments de musique souligne le coté narratif de la scène.
Dans cette œuvre, Jean Pucelle est donc du pont de vue de l’iconographie, conventionnel. L’originalité se présente avec la représentation du Christ nu et la présence des musiciens absents du texte originel et qui souligne la narration.
La technique utilisée par l’artiste est la technique de la grisaille utilisée initialement dans l’art du vitrail. Il relève la grisaille de touches de couleurs qui mettent en avant certains éléments, ici l’or que tend Melchior au Christ et sa couronne. Le fond rouge de la scène fait ressortir de façon nette les personnages blancs.
Les personnages sont représentés de manière très délicate. Ils sont minces, fluides, souples. Les doigts sont fins, la chevelure est bouclée comme la mode de l’époque l’exige. Ils sont représentés en aristocrates. Les cheveux blancs sont un signe de souveraineté qui vient des étrusques.
L’iconographie est donc ici classique et le style répond au goût de la commande l’aristocratique de l’époque (délicat et vertueux). L’innovation dans l’iconographie et timide avec le Christ et les musiciens. Par rapport à d’autres feuillets, l’imagination et la virtuosité dont s’inspireront les artistes postérieur à Jean Pucelle tel Jean le Noir, sont ici peu exprimés.